Inherent Vice, en quête de sens et de sensations

Publié le 22 Mars 2015

   Quand un grand du cinéma sort un nouveau film, une excitation inhérente finit toujours par m'envahir, quand bien même le sujet du film ne m'emballe pas plus que cela ou que la bande annonce ne m'a pas convaincu. Trônant au sommet des meilleurs réalisateurs actuels, Paul Thomas Anderson suscitait inévitablement de l'intérêt, surtout en réunissant un tel casting autour d'un seul et même projet. Alors quand bien même un mauvais pressentiment pouvait laisser le doute s'immiscer, et qu'en fait, le film ne me tentait pas plus que cela en soi, la sortie d'Inherent Vice était l'un des évènement cinématographique de l'année à n'en point douter. Mais comme fréquement, la première impression quand à ce long métrage fut la bonne. 

    Paul Thomas Anderson, c'est le nom derrière quelques chefs d'oeuvres du septième art, alors qu'il n'a réalisé pour l'instant que très peu de film, et dont la seule erreur de parcours reste néanmoins l'une des comédies romantque les plus originale des quinze dernières années. Même The Master, brumé derrière un paroxysme symbolique parfois outrancier et innaccessible avait quelque chose d'hypnotique et au fond de fantastique qui transportait l'âme. Et Paul Thomas Anderson, c'est avant tout une exigeante qualité du cinéma, une volonté de parfaire dans le détail la plastique et le fond pour créer un ensemble cohérent et fort aussi bien visuellement qu'intellectuellement. Il n'y avait alors pas grand chose à craindre dès lors qu'il se mit à adapter un livre apparement inadaptable. Pas le premier et surtout pas le dernier à se lancer dans un tel défi, son sens aïgu de son art portait à espérer une énième pièce maitresse dans sa carrière pour le moins épatante. On pouvait même voir dans Inherent Vice un retour à la terre promise de la part de ce réalisateur, un retour au délire baroque déjanté proche du film qui l'a révélé : Boogie Nights. Le problème se pose là où le matériel d'origine, à l'instar d'un Cosmopolis, porte quelque chose que le cinéma n'aura su traduire en images, en dépit de tout le talent de l'homme derrière cette quête. 

Inherent Vice, en quête de sens et de sensations

    Ce qui gène profondément dans Inherent Vice, c'est que du début à la fin, on ne comprend quasiment rien. On assiste impuissant à un enchainement de scènes qui n'ont parfois absolument aucun sens, comme dans une plus pure volonté esthétique ou de démonstration de folie qui jamais ne dépassera le stade de l'incompréhension pour le spectateur. Beaucoup prônent alors l'abandon psychique, de se laisser embarquer dans ce tourbillon de drogues et d'aliénation et de laisser la raison au placard pour s'abandonner à un standard déshinibé.  Je ne suis pas contre, mais il faudrait déjà pouvoir rentrer dans le film pour s'y laisser perdre, hors dès le début, on saisit mal quel est le réel enjeu de toute cette histoire et partant de ce principe, on rame inutilement mais avec conviction pendant deux heures trentes à tenter de démêler quelque chose. Alors oui, les scènes complètement déséquilibré ont quelque place dans ce film, même si le délire reste dans la mesure d'un Paul Thomas Anderson, et quelque passages font sourire, mais comme on ne comprend rien, on n'est pas impliqué, et rien ne vient tenter de récupérer le spectateur, tant le film est centré sur lui même et sur son histoire. Quand un scénario prend le parti de l'incompréhension, il faut alors toucher autre chose, gagner une portée allégorique ou quelque chose de semblable, chose que ne fait pas Inherent Vice. Ou alors s'il est porteur d'une quelconque allégorie, elle est bien trop ellitiste pour valoir quelque chose. 

    Perdu dans les méandres scénaristiques d'Inherent Vice, on cherche alors à se consoler ailleurs, Paul Thomas Anderson aillant toujours plus d'une carte dans sa main. Mais malheureusement, l'élément phare du film, et de la promotion, le casting, ne fait qu'assombrir le tableau d'ensemble déjà bien peu reluisant. Tant de noms faisait rêver, d'autant plus que nombre d'entre eux connaissent leur métier. En outre, la collaboration Anderon / Phoenix avait fait des merveilles dans The Master. Cependant, tout s'effondre petit à petit sur lui même dans ce long métrage. Il ne s'agit là que de l'enchainement d'un acteur qui cabotine qui va à la rencontre d'un autre acteur qui cabotine. Basé sur une enquête, le film est construit d'une manière extremement linéaire ne laissant que peu de place à l'aération du scénario, et le acteurs, dans leur volonté de trop vouloir en faire, ne font qu'appesantir le triste constat qui nous accule ici même. Par ailleurs, comme toujours dans ce genre de situation, on peut légitimement se poser quelques questions quant à certaines décisions niveau casting. Tant de noms nécéssite fatalement des frustrations, et prouve le copinage habituel du métier d'un réalisateur envers certains acteurs et démontre un certain désir de placer des amis dans un film, ce qui n'a rien de dramatique en soi, mais fait toujours un peu de peine quand on se retrouve devant l'inexploitation totale d'un bon acteur.   

Inherent Vice, en quête de sens et de sensations

   Du reste demeure une ambiance psychédélique remarquablement retranscrite, il est vrai, mais dans laquelle Anderson ne semble pas prendre plus de plaisir à évoluer, et que le scénario ne grandit pas. La réalisation reste très sage et se cantonne globalement à mettre en avant l'acteur principal, au grand dam des autres et de l'ambiance globale du film. Le réalisateur nous avait déjà prouvé qu'il pouvait retranscrire avec brio les années 70, on se demandera donc l'intérêt de cette réitération. Et le majeur problème d'Inherent Vice se trouve peut être là justement. Pourquoi ce film ? D'autant plus que, par son obscurantisme prononcé, les intentions et le message d'Anderson sont resté un grand mystère du début à la fin. Si on peut déceler quelques pistes potentiels, on n'en garde pas moins qu'un grand n'importe quoi qui peine à faire véritablement sens. Tout comme cette narration ponctuée quelques fois par une narratrice à l'utilité plus que douteuse dont on cherche encore la raison.

    Une immense déception que symbolise au final le nouveau film de Paul Thomas Anderson, déception à la portée de l'immense talent de l'homme derrière cette toile incomplète qui ne parvient pas à transmettre son message tant elle se perd dans ses propres vélléité. A trop vouloir en faire, Anderson nous laisse sur le bord de la route. On voit la voiture, mais on ne sait pas où elle va ni comment elle y va. 

Rédigé par Venom Snake

Publié dans #Critiques

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