Jupiter Ascending, le desastre de l'univers

Publié le 4 Février 2015

   1999 a été marqué par la sortie d'un film tout particulier, révolutionnant presque le film d'action blockbuster américain, synthétisant l'ambition d'une narration profonde et d'un spectacle jouissif au possible. Ce film, il s'agit de Matrix, symbolisé par les deux têtes pensantes des frères Wachowski. Un changement de sexe et quatre films plus tard, ils reviennent pour une grande épopée spatiale intitulée Jupiter Ascending au potentiel assez grandiose d'après les premiers visuels. Et puis, après le mirifique Cloud Atlas il y a deux ans, et la recherche tant esthétique que scénaristique de ces réalisateurs, il n'y avait en soi pas grand chose à craindre. Enfin presque. 

    Le plus triste dans cette histoire est de constater l'impressionante naïveté dans laquelle semblent s'enfoncer Andy et Lana Wachowski, une naïveté qui n'arrive plus du tout à s'effacer sous un univers crédible et intéréssant à voir évoluer, une naïveté sirupeuse et affligeante dont le manque absolu de subtilité représente la quintessence du drame de Jupiter Ascending. Après une trilogie cynique et sombre relevant d'une pessimiste anticipation de notre monde, les Wachowski n'ont produit que des projets bien moins fatalistes et versent de plus en plus dans une myriade de bons sentiments et se complaisent dans la simplicité d'un récit typique sans surprise. Cloud Atlas avait pour lui le matériel original et l'apport probablement très important de Tom Tykwer comme co-réalisateur. Pour Jupiter Ascending, il ne reste que la famille Wachowski et leurs concepts. Et en soi, cela constitue dans le cas présent une violente tragédie pour le cinéma, et pour le spectateur qui, sans s'attendre à une révolution de la science fiction, espérait au moins un bon film en ce début d'année. 

Jupiter Ascending, le desastre de l'univers

   Tout convergeait vers ce fait, beaucoup le disaient, et la rumeur est devenue une atroce vérité dont on ne peut plus se détacher. Jupiter Ascending est un échec, et cela à quasiment tous les niveaux. Seul demeure un univers avec une certaine potentialité, et de bons effets spéciaux. Bien entendu, ces derniers ne sont pas tous parfaits, surtout vers la fin, mais leur facture est des plus agréable et parvient sans grande peine à nous plonger dans cet ambitieux space opéra où, avec toute l'espérance et la maladresse du monde, les réalisateurs tentent d'inventer une mythologie grandiose et dense qui essayerait presque de rivaliser avec des grands frères installés depuis des dizaines d'années (Star Trek et Star Wars). On peut également noter la réussite de Chaning Tatum qui campe de manière agréable un actioner typique américain, charismatique et intense dans ses moments de gloire. Et si le scénario ou la réalisation désamorce presque systématiquement cet état, l'acteur reste convaincant dans son rôle et son passé consiste peut être en l'une des rares bonnes idée du long métrage, même si toujours maladroite dans son traitement. 

    Le plus impressionant (ou alarmant) dans Jupiter Ascending, c'est peut être de faire ce constat vis à vis de Tatum, qui joue ici la seule bonne prestation, en dehors de Sean Bean mais ce dernier est assez secondaire. Du reste, il n'y a rien à sauver, alors même qu'ils s'agit pour la plupart de très bons acteurs. Mila Kunis garde le même registre ingénue/potiche durant deux heures, sans aucune nuances, hormis celle de séduire avec la délicatesse d'un éléphant son partenaire masculin. Et puis, il y a Eddie Redmayne. Si une chose survivra à Jupiter Ascending, c'est bien la prestation de cet acteur qui, en parallèle, semble bluffer tout le monde dans Une merveilleuse Histoire du Temps. Sauf que dans le cas présent, c'est avec une horreur figé à jamais dans notre esprit qu'on se souviendra de lui. Le monde cherche encore à savoir ce qu'il s'est passé, mais une chose est sur, il a besoin d'être bien dirigé. Ses apparitions sont presque systématiquement devenues la bouffonerie du film sur la fin tant il surjoue tout en livrant une sorte de rapprochement de la constipation et du neurasténisme proche de l'affliction la plus totale pour le spectateur. Hallucinant de ridicule. 

Jupiter Ascending, le desastre de l'univers

    Et ceci n'est qu'une mise en bouche, et utiliser cette expression en parlant de la performance de Redmayne est un doux euphémisme, comparé à l'entièreté du désastre que représente Jupiter Ascending. Le souci est que de toute manière, quand bien même les acteurs auraient tous livrés la performance de leur vie, il aurait été pénible d'assister à une telle virtuosité dans un récit d'une telle prétention et en même temps d'un tel ridicule. On l'imaginait basique à la vue de la bande annonce et du synopsis, pie que cela, il est tout simplement stupide et inintéréssant par le refus récurrent d'exploiter la potentialité qu'il s'evertue pourtant presque à chaque scène de nous montrer. Ce long métrage est remplie d'idées, et les Wachowski sont loin d'être des imbéciles, mais ils ont ici tout mélangé en un kaléidoscope infecte de notions et de conceptions qu'ils ont intégrés à tout prix et sans y réfléchir deux secondes dans leur film. On finit donc avec le scénario le plus archétypale possible, brassant l'élue naïve et crédule, le héros musclé et taciturne, la figure paternelle bienveillante, le méchant bien méchant sans trop qu'on sache vraiment pourquoi en dehors de son oedipe mal digéré, le traitre (il y en a toujours un), la commandant du vaisseau des gentils, ... On en viendrait presque à penser qu'ils avaient une liste de clichés à côté d'eux durant l'écriture du scénario. Mais le réel problème est qu'au délà de ce fait déjà bien dérangeant, les enjeux du film apparaissent soit très osbcures, soit complètement vain, et le dénouement du film marche très clairement dans les pas de la deuxième option. Il n'y avait absolument aucun intérêt à nous parler de ces histoires de moissons si ils ne comptaient rien en faire, ce qui est le cas au final. Alors très bien, la famille Abrasax veut le pouvoir, mais dans les faits, ils l'ont déjà. Celui dont les motivations sont les plus compréhensibles est à la rigueur Titus, mais il ne constitue finalement qu'une infime partie du réel enjeu du film, là où Balem phagocyte tout alors qu'il est celui qui a le moins de raison. Mais non, au lieu d'expliquer tout simplement qu'elle veut retourner récurrer les toilettes dans la plus grande simplicité du monde, Jupiter laisse toute la galaxie semble-t-il se battre pour elle. L'ensemble part complètement en vrille de manière exponentielle allant jusqu'à la destruction de tout un complexe parce qu'à aucun moment ils n'ont eu l'intelligence de juste s'expliquer les choses. 

    Là pèche totalement Jupiter Ascending, à se vouloir avoir des aires de grande épopée sérieuse et métaphysique. On comprend bien aisément le concept du voyage salvateur pour un retour dans la sagesse dans son propre monde, mais quel stupide voyage embourbé dans un amas d'informations inutiles et d'une pédanterie sans nom voulant soi disant condamner sans jamais prendre définitivement un partis. Car c'est cela qu'est ce long métrage, une tentative presque propagandiste qui n'aboutit qu'un un vide absolu de toute raison. Devenir reine pour ne rien changer des horreurs que le film n'a pas cesser d'évoquer. Oui car, autre défaut de Jupiter Ascending, c'est d'évoquer de terribles évènements sans arrêt, mais sans jamais en montrer la moindre conséquence. En parallèle, c'est le florilège des dialogues ridicules essayant dans de vaines tentatives de plus en plus devastatrices d'apporter un semblant d'intelligence à un long métrage qui n'en a que l'apparence. Livrer pleins d'informations, de noms, montrer plusieurs planètes, c'est bien beau, mais si tout ce fatras factuel et visuel ne se racroche à rien du récit premier du film, il n'était finalement pas utile de se perdre dans un tel dédale. Surtout avec un sérieux pareil.

Jupiter Ascending, le desastre de l'univers

    Question réalisation, les deux réalisateurs soufflent le chaud et le froid. Quelques rares plans sont assez inspirés question composition et mouvements, en revanche, les scènes d'action manquent souvent de clareté et surtout de précision dans l'efficacité. La première poursuite dans Chicago par exemple est juste interminable et devient plus lassante que spectaculaire. Et les scènes d'actions se font le prolongement total du reste du film au niveau du montage. Et dire qu'il s'agit du même homme que pour Cloud Atlas, c'est assez effarant quand on constate ici le caractère presque aléatoire de ce dernier et complètement raté, écourtant des moments et changeant parfois totalement d'ambiance en un clin d'oeil sans réelle justification. Nul doute que le film a fait l'objet de coupes, mais même sans cela, il y a un sérieux souci sur les intentions de Jupiter Ascending à ce sujet. Niveau artstique, c'est le même problème. Il y a de belles idées à nouveau, mais parfois complètement contrebalancés par des éléments ayant dépassé depuis plusieurs kilomètres la frontière du mauvais goût. Côté musique, Giacchino a mélangé un peu tout ce qu'il se fait dans ce type de production, hormis peut être l'éléctronique. L'erreur est principalement de les utiliser au mauvais moment et surtout, de ne constituer globalement qu'un fond sonore juste là pour meubler l'action sans jamais d'apporter de réelle emprunte musicale au long métrage. 

    Alors non, Jupiter Ascending n'est pas le film le plus honteux du monde, sauvé de peu par des effets spéciaux réussis et quelques bonnes idées, mais voir une telle catastrophe entre les mains de réalisateurs d'un tel talent constitue inévitablement une immense déception. Entre festival du cliché, intellectualisation factice du scénario, et un Eddie Redmayne en totale roue libre, on envisage mal les Wachowski conquérir le coeur du public, surtout avec ce qui s'annonce en terme de Science Fiction en 2015. Reste nos yeux pour pleurer devant pareil échec, et l'espoir que d'autre films arriveront à nous faire oublier Jupiter. 

 

Rédigé par Venom Snake

Publié dans #Critiques

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