Birdman, ou la surprenante vertue de l'ignorance

Publié le 25 Février 2015

   Quand un film subit un engouement relativement général, il y a toujours matière à se méfier, toujours matière à chercher les légères émanations de décéptions dans les dires dithyrambiques de ceux qui croient voir le génie là où il n'y a pas toujours raison de le clamer. En ce sens, Birdman subissait toute la foudre de mon attente, de part son aura quasi culte avant même d'être sorti par chez nous, aura d'autant plus renforcée par les résultats des oscars la semaine dernière, mais également toute la foudre de mon hypothétique consternation, tant ce début d'année 2015 fut le festival jusqu'à aujourd'hui d'expériences très moyennes voir complètement ratées, là où toutes les attentes étaient pourtant de mises. Mais comme quelque films avant lui, en dépit de tout le bien qu'on avait pu en dire, Birdman transcende, tout simplement, par delà même l'expectation la plus positive qu'on pouvait lui prétendre. 

    Autant le garantir tout de suite, je ne prète nullement de grands traits de génies à son réalisateur, Alejandro Gonzales Inaritu, dont les précédents films que j'ai pu visionné de lui m'ont passablement ennuyé. Ce n'était donc pas un pari gagné pour moi que de me rattacher à la cause de cette fresque humaine acide sur les acteurs et le cinéma. Mais quand bien même, le passé ne sert pas systématiquement à définir le présent, et dans le cas du film qui nous interesse ici, si on retrouve indéniablement des thèmes chers aux réalisateur, il nous fait jouir ici d'une toute autre expérience cinématographique, dans une maestria visuelle inouïe qu'il faut aller vivre de toute urgence dans son cinéma le plus près. Birdman illustre parfaitement le débat complètement stérile du "film qu'il faut aller voir au cinéma". Non il n'y a ni robots ni grosses explosions (quoique), mais on tient ici une pure pièce artistique qui se vaut d'être vécue dans les meilleurs conditions possibles, et puis avec une telle gestion du son, pas question de passer à côté. 

Birdman, ou la surprenante vertue de l'ignorance

   Mais alors pourquoi autant de bruit, d'agitation et d'excitation face à ce film étrange et bien particulier qui prend le contre pied de la production habituelle pour bouleverser dans les meilleures sens du terme le spectateur lambda ? Et bien tout d'abord parce que je viens de répondre dans la question même. Birdman est un film unique qui ne ressemble à aucun autre. Enfin presque. Inaritu ne réinvente ni le scénario moderne ni le plan séquence, mais articule toute la construction de son film, autant sur le plan formel que philosophique, d'une manière si brillante et si fraiche dans un cinéma hollywoodiens rongé par le formatage, qu'il serait sacrilège de lui réfuter l'atout de ne pas suivre la mouvance classique du cinéma. Ensuite, c'est pour son texte qu'il faut apprécier ce long métrage. D'aucun y trouverons peut être une marque temporelle peut être trop visible, risquant de laisser cette oeuvre peu à peu vieillir de part sa volonté de tant critiquer un système actuel, mais Birdman est plus qu'une critique du blockbuster type. Birdman est une critique de l'art, du questionnement de soi même et de la fonction de l'homme à travers le prisme de sa fonction artistique dans la société, en venant même à critiquer la critique elle même, et donnant dans cette scène quelques sueurs froides à votre serviteur ici présent. Et puis au fond, ce n'est pas tant un venin sans âme que lâche ce film ici qu'une bienveillance rancunière et prompt au jugement sans jamais complètement démolir ce qu'elle entreprend de déconstruire par le texte. Tout objet de moquerie finit inéluctablement par retrouver grâce à un moment du film. 

    Ce n'est pas un cordeau se resserant à la gorge du réalisateur que l'on constate, ni plus qu'une volonté indéboulonnable de vouloir à tout prix démontrer quelque chose, c'est quelque chose de plus fugace et organique qui anime Birdman, comme une conscience de soi même et de sa propre portée, emmené dans un regard externe parfois regardé par ceux même observés qui ne cesse de suivre le film sans jamais le lâcher, ou tout du moins presque, l'espace d'un court moment de plénitude et d'exultation onirique et symbolique en corps et âme avec le fond. Pourquoi ces méduses ? Et pourquoi pas ? Cette comète symbolise-t-elle la déchance ? Ou bien la remontée ? Affaire de point de vue, et de perspective, tout comme l'existence de Riggan Thomson prêt à tout et paralysé par la peur, dans une quête pourtant simple, qui n'est autre que celle de toute personne : exister. Peut être est-ce alors la raison de telle prestations ? Donner autant que faire se pouvait pour réaliser l'ambition interne des personnage, tant et bien que transcendés par chaque performance, chaque personnage devient l'aube d'une création soudaine et humaine proche de l'absolue qu'on aurait voulue à tout prix continuer d'observer, pour toujours plus de névroses et d'éclatements psychique, de révélation intime et de mensonges à eux mêmes. Rien qu'une minute de plus du côté de Broadway où Birdman va faire son grand come back médiatique, et où vivre n'est que le reflet pastiche d'un acteur, le mensonge derrière le masque troublé par la nature véritable du masque qui est peut être plus véritable que ce qui s'y cache en dessous. 

Birdman, ou la surprenante vertue de l'ignorance

   Vous l'aurez compris, les mots me perdent tout comme ce film m'a englouti, alors foncez voir ce bijou, pour assister à un grand moment, un grand film du 7ème art. Qu'on aime ou déteste Birdman, son audace reste intègre et son sujet, maitrisé jusqu'au générique final venant clore près de deux heures d'intentions accomplies et d'exécution presque fantasmatique, et cela à tous les niveaux. Pour sur, ses récompenses sont plus que mérités et au delà de celles physiques, il emporte avant tout celle du coeur. 

Rédigé par Venom Snake

Publié dans #Critiques

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