Invincible, au prix du consensuel

Publié le 23 Janvier 2015

   A trente neuf ans, l'actrice internationale Angeline Jolie semble s'être profondément éprise pour le métier de réalisatrice, signant cette année la sortie de son troisième long métrage : Invincible. Inspiré d'une histoire vraie, le film retrace le parcours abrupt et assez exceptionnel de Louis Zamperini durant la seconde guerre mondiale, ancien voisin d'Angelina Jolie qui nous a quitté en juillet dernier après avoir été le premier à pouvoir visionner le film. Une belle histoire qui se dessine autour d'un film dont les réelles qualités manquent indubitablement pour nous marquer dans une grande fresque humaine à la manière d'un Forrest Gump

    Invincible, représente la synthèse des meilleures intentions du monde mais avec l'execution la plus maladroite possible. Sans aucun doute, ce film est noble et beau dans le message qu'il essaie de transmettre, mais il le fait d'une façon tellement bancale, voir sévèrement raté sur certains points, qu'il est impossible d'y voir autre chose qu'un film oubliable et banal. Il ne suffit pas d'insinuer que l'humanité est plus forte que tous les sévices qu'elle peut subir, que l'espoir peut parfois se réaliser, et que la volonté l'emporte sur la faiblesse, pour aboutir à une grande oeuvre cinématographique surtout quand en outre on oublie de manière assez putassière une partie pourtant essentielle à mes yeux du personnage dans le petit carton final. Zamperini n'est pas devenu l'auxiliaire de Dieu dès sa libération, le traumatisme de la guerre étant plus fort dans la réalité que ce que le fantasme du cinéma tente de nous faire croire ici. De bonnes intentions donc, mais peut être un brin manipulatrices dans leur romance et leur constante recherche du spectacle humain émotionnel et néanmoins sérieusement exubérant. 

Invincible, au prix du consensuel

    Exagération est donc le maitre mot du mal caché sous les images d'Invincible, procédé qui, dans le cas présent, devient très vite l'arme qui détruit l'oeuvre de l'intérieur au lieu de la servir à des fins affectives. En effet, le long métrage enchaîne scènes sur scènes d'une improbabilité assez impressionnante. N'ayant pas lu le livre biographiqe du monsieur et n'étant pas renseigné outre mesure sur ce qu'il a vraiment vécu, je ne peux pas juger de la véracité du récit, mais il n'en demeure pas moins qu'ici, les faits sont parfois beaucoup trop spectaculaires, dans le seul but de créer l'emphase ultime, pour paraitre crédible aux yeux des spectateurs. A titre d'exemple, le passage de la poutre de bois est tout bonnement ridicule. Comment croire un seul instant qu'il arrive à la soulever et à la tenir aussi longtemps ? Et la solidarité humaine, le courage, la grandeur d'âme et ce genre de choses n'y peuvent absolument rien, le corps répond à des besoins et des limites physiologique que l'esprit ne peut pas dépasser. S'il ne s'agissait que d'une scène, le problème serait minime et l'on pourrait même mettre ce passage en tant que valeur symbolique pour le film, le souci est qu'on en subit tout au long des deux heures et quarts du long métrage, et que cela lui nuit grandement, surtout quand la première chose à voir est une phrase énonçant "histoire vraie", évinçant d'emblée un large crédit à la démesure. 

    En outre, le récit même d'Invincible pose quelques problèmes, tout particulièrement avec ses deux flashbacks assez particulier dans leur placement et leur intérêt. Leur intervention, bien qu'un peu surprenante, pourrait encore avoir un sens, seulement il n'y en a que deux et seulement au début, et pourquoi ? Pour passer très rapidement sur la jeunesse du personnage, sans réellement la développer ni qu'elle ait un rôle dans le reste de l'histoire. Celui sur le passage aux JO passe encore, apportant quelques enjeux scénaristique dans le film, mais le premier n'a absolument aucune utilité hormis nous en apprendre un peu plus sur le protagoniste hors ce protagoniste, on a beaucoup du mal à s'y attacher. Il reste plat jusqu'à la fin et ne fait que subir les horreurs de la guerre avec la malchance du monde entier sans jamais apporter quelque chose à l'histoire en elle même. Et puis le sous-texte religieux du film manque clairement de subtilité, venant toujours poindre le bout de son nez à un moment ou à un autre pour justifier la force ou la condition du personnage (le moment avec la poutre, encore, qui n'est pas sans rappeller une crucifixion). C'est ici un souci qui doit beaucoup moins déranger aux Etats Unis, mais cet écart culturel vient encore une fois prendre le pas sur l'oeuvre en elle même pour l'empreindre un peu trop de son lieu d'origine. Tout ceci est des plus surprenant quand le générique vient découvrir le nom des frères Coen au scénario, qui n'ont pourtant pas l'habitude d'effectuer ce genre de lourdeur dans leurs propres films. 

Invincible, au prix du consensuel

    Niveau formel, Angeline Jolie s'en sort plutôt bien avec quelques beaux plans en contre jour, malgré un académisme assez prononcé. La scène d'introduction est réussie en terme d'action malgré des fonds vert évidents, et le passage sur la canoé est le mieux géré de tout le film. Néanmoins, elle a visiblement du mal à rythmer son film, trop long et peu implicant, et ne parvient pas à donner une réelle raison à l'existence de son film. La guerre est mauvaise et engendre la douleur, c'est bien, mais on le sait déjà. Son traitement n'apporte rien hormis l'attardement sur la misère toute personnelle d'un homme en particulier. En soi, Invincible est loin de réinventer la roue, mais il a en plus du mal à faire rouler celle qui existe. Elle gère cependant bien ses acteurs, en dépit de leur faiblesse d'écriture. O'Connell est convaincant et les acteurs secondaires s'en sortent bien. Côté musique, Desplat a quelques bon moments, mais l'ensemble reste très timoré et beaucoup trop sage. 

    En conclusion, Invincible montre une Angelina Jolie capable de quelque chose en terme de réalisation, mais avec l'aide essentielle d'un bon scénario, ce qui n'est pas le cas ici. Une histoire forte au service d'un récit efficace ou original, voilà ce qu'il manque à ce long métrage, futile amoncellement de bon sentiments trop pregnants et trop écrasants qui peinent à raconter quelque chose d'intéressant. On espérait mieux, indéniablement, ou tout du moins quelque chose de plus audacieux dans la conception. 

Rédigé par Venom Snake

Publié dans #Critiques

Commenter cet article